C’est une condamnation lourde de sens et de montant : la cour d’appel de Paris a infligé à la chaîne de supermarchés Lidl une amende de 43 millions d’euros à verser à son concurrent Intermarché, pour pratiques commerciales trompeuses. Une décision rendue publique ce mercredi, après des années de bataille judiciaire entre les deux enseignes.
Le cœur du litige : des spots publicitaires diffusés massivement par Lidl à la télévision entre 2017 et 2023, vantant des promotions attractives… sans que les produits concernés soient réellement disponibles dans l’ensemble des magasins du distributeur, ni pendant la durée annoncée. Pour la cour, ces pratiques relèvent clairement d’une concurrence déloyale, justifiant une indemnisation conséquente en faveur d’Intermarché.
Publicités massivement trompeuses de Lidl
Entre 2017 et 2023, Lidl aurait diffusé 374 spots télévisés mettant en avant des produits à prix cassés, souvent accompagnés de mises en scène convaincantes et d’un affichage en grand format des prix. Mais derrière cette communication agressive se cachait une réalité moins reluisante : ces produits n’étaient pas disponibles pendant les 15 semaines réglementaires dans l’ensemble du réseau de magasins, comme l’exige pourtant la législation en matière de publicité comparative et promotionnelle.
L’étude attentive des messages publicitaires a révélé que l’unique mention précisant la limitation géographique des offres — « Supermarchés concernés sur LIDL.FR » — apparaissait en petits caractères, tout en bas de l’écran, pendant quelques secondes seulement, rendant l’information peu visible, voire incompréhensible pour le consommateur.
Une faute intentionnelle, selon la cour
L’arrêt, daté du 4 juillet, est sans appel : la société Lidl a non seulement manqué à ses obligations d’information, mais elle avait pleinement conscience de l’inadéquation entre les promesses publicitaires et la réalité en rayon. Ce caractère intentionnel de la tromperie a été déterminant dans la décision de la cour d’appel, qui évoque des « agissements de concurrence déloyale » au détriment d’Intermarché.
La cour souligne que Lidl « ne garantissait pas la disponibilité des produits pour une durée suffisante dans l’ensemble des magasins », ce qui, combiné à la faiblesse du message correctif, suffit à caractériser une pratique commerciale trompeuse, susceptible de fausser la concurrence.
Un long bras de fer judiciaire qui plonge Lidl
L’affaire remonte à 2019, lorsque la société ITM, chargée de la politique commerciale du Groupement des Mousquetaires (qui regroupe Intermarché et Netto), décide d’attaquer Lidl en justice. En première instance, ITM est déboutée par le tribunal de commerce le 30 mai 2022. Mais la cour d’appel a fini par donner raison au groupement, estimant que les pratiques de Lidl portaient atteinte à la loyauté du marché.
Intermarché, contacté par l’AFP, n’a pas souhaité commenter cette victoire judiciaire. Lidl, de son côté, n’a pas encore réagi officiellement à cette décision, qui pourrait toutefois faire jurisprudence dans un secteur ultra-concurrentiel, où la communication joue un rôle crucial dans la conquête de parts de marché.
Un signal fort envoyé au secteur de la grande distribution
Cette condamnation intervient dans un contexte où la transparence des offres commerciales est scrutée de plus en plus attentivement, tant par les régulateurs que par les consommateurs eux-mêmes, lassés des promotions peu claires ou difficilement accessibles. L’amende infligée à Lidl vient rappeler que, même dans l’univers impitoyable du discount, la loi encadre strictement la publicité.
Les enseignes devront désormais redoubler de vigilance dans leurs campagnes promotionnelles, en veillant à garantir l’accès réel aux produits mis en avant, sous peine de sanctions financières importantes et de dégradation de leur image de marque.