On pourrait croire que l’offensive douanière de Trump va réduire les émissions de CO2. La réalité est plus complexe.
C’est une démonstration évidente et presque mécanique : si le commerce international est responsable d’un quart des émissions mondiales de CO2, le réduire devrait logiquement bénéficier au climat.
Dans cette optique, les droits de douane utilisés désormais comme une arme géopolitique par Donald Trump afin de réindustrialiser les États-Unis et de faire baisser le déficit commercial du pays, apparaissent comme une aubaine écologique. Car moins d’échanges commerciaux signifieraient moins de pollution.
La logique paraît imparable, mais omet un point fondamental : le coût économique à payer. En effet, si l’idée d’un protectionnisme antipollution peut séduire, elle reste irréaliste.
« Le protectionnisme n’est tout simplement pas efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », tranche Lionel Fontagné, professeur d’économie à la Paris School of Economics et directeur de l’Institut des politiques macroéconomiques et internationales, spécialiste des questions de commerce, dans les colones du Monde.
Le mirage des circuits courts
L’économiste américain Joseph Shapiro a calculé en 2017 qu’un monde en autarcie complète réduirait certes les émissions de 5%, mais au prix d’une catastrophe économique de 5 500 milliards de dollars, soit 7% du PIB mondial. Autrement dit, le remède serait pire que le mal.
Le transport international cristallise les critiques, et à juste titre pour certains cas aberrants. Imaginez ces millions de colis transportez depuis les entrepôts américains d’Amazon aux quatre coins du monde par exemple. Pourtant, la réalité du transport maritime nuance ce tableau.
En effet, les porte-conteneurs géants, malgré leur carburant ultra-polluant, transportent des quantités si colossales que l’empreinte carbone par produit reste limitée. De fait, réduire les circuits de transports de la production n’est pas toujours la panacée.
Une étude menée à Vienne en 2013 a ainsi comparé l’empreinte carbone de tomates de quatre origines différentes. Surprise : les tomates locales cultivées en serres chauffées émettaient plus de CO2 que celles importées d’Espagne ou d’Italie, transport inclus.
Un protectionnisme climatique intelligent
« Ce qui compte vraiment, c’est la façon dont les produits sont fabriqués, beaucoup plus que le transport. Bien sûr, des haricots verts qui poussent au Kenya et sont importés par avion, ce n’est pas bon. Mais quand il s’agit de porte-conteneurs plutôt que d’avions, l’empreinte carbone est limitée », décrypte Christophe Gouel, chercheur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, cité par Le Monde.
« Mener une politique climatique est bien plus efficace que d’imposer des droits de douane », indique Fontagné. L’autre option étant des politiques climatiques ciblées, comme la taxe carbone généralisée ou le soutien aux énergies renouvelables.
Le défi ne consiste donc pas à choisir entre mondialisation et protectionnisme, mais à inventer une mondialisation respectueuse du climat. Une mondialisation qui ne sacrifierait plus la planète sur l’autel de la croissance à tout prix.