Acheter de l’immobilier locatif (appartement ou une maison dans l’objectif de le louer) nu sur le long terme pourrait devenir beaucoup plus intéressant à partir du 1er décembre 2025. C’est en tout cas le pari du ministère du Logement, qui travaille activement à la mise en place d’un nouveau cadre fiscal : le statut du bailleur privé. Réclamé depuis plus de dix ans par les associations de propriétaires, ce mécanisme s’annonce comme un tournant majeur pour l’immobilier locatif résidentiel.
Concrètement, le texte en préparation prévoit un dispositif d’amortissement sur vingt ans, avec un taux annuel fixé à 5 % de la valeur du bien neuf et 4 % pour les biens anciens ayant fait l’objet d’une rénovation lourde. Une réduction fiscale non négligeable pour les contribuables percevant des revenus fonciers. Mais encore faut-il que ce statut voie effectivement le jour en 2026.
Un projet à inscrire dans le budget de l’immobilier locatif 2026
À la manœuvre, la ministre déléguée au Logement, Valérie Létard, tente de convaincre ses homologues de l’Économie, Éric Lombard, et du Budget, Amélie de Montchalin, d’intégrer cette mesure au projet de loi de finances 2026. Ce ne sera pas chose aisée, alors que Bercy cherche à économiser 40 milliards d’euros d’ici 2027, dans un contexte de contraintes budgétaires drastiques imposées par Bruxelles.
Mais la ministre dispose d’un atout de poids : selon le rapport parlementaire cosigné par les sénateurs Daubresse et Cosson, le statut du bailleur privé générerait un gain net pour les finances publiques dès sa première année d’application, à hauteur de 500 millions d’euros en 2026, puis 1,1 milliard en 2027 et 1,9 milliard d’euros par an jusqu’en 2036. Des projections qui s’appuient sur un double effet vertueux : la relance de l’offre locative d’un côté, et la baisse du recours aux aides au logement de l’autre.
Une réponse à la crise du logement
Ce dispositif fiscal s’inscrit dans un contexte tendu pour le logement. Pénurie de biens en location, flambée des prix, réticence croissante des propriétaires à louer en nu ou à rénover les passoires thermiques : le gouvernement est confronté à une crise structurelle du marché locatif privé.
Depuis la fin des dispositifs de défiscalisation type Pinel, peu de mécanismes incitatifs ont pris le relais, notamment sur le segment de la location non meublée de longue durée. L’entrée en vigueur du statut du bailleur privé viendrait donc combler un vide, en ciblant une catégorie d’investisseurs qui n’entrent ni dans les niches de l’immobilier de luxe, ni dans celles du meublé touristique.
Un avantage fiscal significatif pour l’immobilier locatif, sous conditions
L’amortissement proposé dans le cadre du statut du bailleur privé fonctionne sur le principe de la déduction fiscale : chaque année, les propriétaires pourraient soustraire de leurs revenus locatifs imposables 5 % de la valeur du bien neuf, ou 4 % s’il s’agit d’un logement ancien rénové.
Ce système d’amortissement pourrait ainsi effacer tout ou partie des revenus fonciers pendant plusieurs années, rendant l’investissement plus rentable, surtout pour les contribuables fortement imposés. Il s’agit toutefois d’un mécanisme réservé à la location nue de longue durée, excluant donc les meublés ou les locations saisonnières.
Les professionnels de l’immobilier locatif partagés entre enthousiasme et prudence
Du côté des professionnels de l’immobilier, l’accueil est mitigé mais globalement favorable. Les associations de bailleurs privés, comme l’UNPI, saluent une avancée fiscale attendue depuis longtemps, qui pourrait rééquilibrer les règles du jeu avec les loueurs en meublé professionnel (LMP et LMNP), actuellement beaucoup plus avantagés sur le plan fiscal.
Cependant, certains acteurs redoutent que le flou entourant les modalités d’application et les conditions d’éligibilité freine les investisseurs potentiels. Quelle sera la définition précise de la rénovation « lourde » pour les biens anciens ? Le dispositif sera-t-il cumulable avec d’autres aides, comme MaPrimeRénov’ ? Autant de questions encore sans réponse à ce stade.
Un calendrier qui laisse peu de marge
Avec une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2026, le calendrier est serré. Le texte doit être inscrit dans le projet de loi de finances à l’automne, voté en fin d’année, puis mis en œuvre dès le mois de décembre pour les premiers achats. Le gouvernement mise sur une adoption rapide, portée par l’urgence de relancer l’offre locative, mais des arbitrages restent à faire, notamment sur le plan budgétaire.
Si le dispositif passe la barrière de Bercy, il pourrait rebattre les cartes de l’investissement locatif en France, avec un recentrage clair vers la location longue durée de qualité. En revanche, en cas de blocage, le marché locatif privé risque de s’enfoncer un peu plus dans la crise, avec une offre toujours plus réduite et des loyers sous tension dans les grandes agglomérations.