L’Ukraine introduit la responsabilité climatique de guerre

Kiev exige des réparations financières pour compenser le surplus d’émissions de carbone engendré par l’agression russe sur son sol. Une initiative inédite dans l’histoire du droit international.

Pour la première fois dans l’histoire du droit international, un État en conflit s’apprête à exiger des réparations pour les dommages climatiques provoqués sur son sol. Selon Pavlo Kartashov, vice-ministre ukrainien chargé de l’Économie, de l’Environnement et de l’Agriculture, Kiev évalue cette compensation à près de 44 milliards de dollars pour le carbone émis depuis le début de l’invasion russe.

« Beaucoup de dégâts ont touché l’eau, les terres, les forêts. Nous faisons face à d’importantes quantités de CO2 et de gaz à effet de serre supplémentaires », explique le responsable ukrainien dans un entretien accordé à Reuters, en marge de la COP 30 qui se déroule actuellement au Brésil.

D’après les estimations scientifiques citées par les autorités ukrainiennes, la guerre qui en est à sa troisième D’après les évaluations scientifiques citées par Kiev, la guerre, désormais dans sa troisième année, aurait déjà engendré environ 237 millions de tonnes d’équivalents CO₂. Ce volume correspond à la somme des émissions annuelles de l’Irlande, de la Belgique et de l’Autriche réunies.

Ce calcul, réalisé par l’expert néerlandais en comptabilité carbone Lennard de Klerk, s’appuie sur une étude publiée en 2022 dans la revue Nature évaluant le coût social du carbone — c’est-à-dire les dommages économiques causés à la société par chaque tonne de CO₂ — à environ 185 dollars la tonne.

Un bilan carbone alarmant

L’analyse repose sur trois modèles intégrés d’évaluation économie-climat. Ces modèles prennent en compte des impacts environnementaux plus sévères (inondations, pertes agricoles, mortalité…), les incertitudes scientifiques, un taux d’actualisation réduit reflétant une approche éthique intergénérationnelle, ainsi que les nouvelles trajectoires d’émissions.

En Ukraine, les chars et véhicules militaires fonctionnent sans relâche, tandis que les usines d’armement tournent jour et nuit. Les bombardements et explosions libèrent d’immenses quantités de gaz dans l’atmosphère, tout en dévastant les sols et les infrastructures.

La reconstruction des zones sinistrées représenterait à elle seule près de 27% des émissions totales liées au conflit. Les frappes répétées contre les centrales électriques, les dépôts de carburant et autres installations énergétiques génèrent environ 8% supplémentaires.

Enjeux et incertitudes

Les déplacements massifs de réfugiés, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, comptent pour environ 2% des émissions globales. À cela s’ajoutent les incendies, de plus en plus difficiles à maîtriser, alimentés par la sécheresse et l’intensité des combats.

Rien que l’an dernier, près de 92 000 hectares de forêts et de terres arables sont partis en fumée, soit plus du double de la superficie habituellement ravagée par les incendies.

L’Ukraine prévoit de soumettre sa requête dans le cadre du nouveau mécanisme de compensation instauré par le Conseil de l’Europe, déjà saisi de plus de 70 000 plaintes individuelles liées aux destructions de guerre. Ce dispositif pourrait servir à réaffecter les avoirs russes gelés au paiement des indemnités, bien que Moscou ne se soit toujours pas engagé en ce sens. De quoi potentiellement redéfinir la notion même de responsabilité dans les conflits armés.

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