La transition énergétique, nouveau visage du colonialisme ?

L’ONG Oxfam dénonce, dans un récent rapport, la perpétuation de pratiques injustes envers les pays africains producteurs de minerais essentiels à la transition énergétique.

« Aujourd’hui, la transition s’accompagne d’un risque de reproduction des modèles d’extractivisme et d’exploitation, et ce sont les personnes les plus marginalisées qui en paient le plus lourd tribut tandis que les élites en tirent les bénéfices ».

Inquiétant constat que celui dressé par Oxfam à propos de la transition énergétique mondiale. Dans un rapport publié fin septembre et intitulé « Unjust Transition: Reclaiming the Energy Future from Climate Colonialism » (Reprendre en main l’avenir énergétique face au colonialisme climatique), l’ONG pointe un processus qui tend pour l’heure à favoriser les inégalités qu’il est pourtant censé combattre.

« Nous voyons les inégalités climatiques à l’œuvre : une transition qui se borne au remplacement des combustibles fossiles par des alternatives vertes, sans remettre en question la surconsommation énergétique des plus riches et tout en laissant bien souvent les communautés à faibles revenus en supporter les coûts les plus élevés », écrit le rapport, dressant un schéma qui lèse systématiquement les plus démunis.

L’Afrique, réservoir de richesses, privée de bénéfices

Le rapport publié en amont de la COP30 prévue en novembre au Brésil met en lumière une réalité aussi cruelle qu’absurde : les pays du Sud concentrent environ 70% des réserves mondiales de minéraux critiques nécessaires à la transition énergétique, mais n’en tirent que des miettes.

« La RDC va fournir plus de 70% du cobalt mondial indispensable aux batteries qu’on utilise notamment dans les véhicules électriques. Mais la République démocratique du Congo ne va capter que 14% de la chaîne de valeur de ce qu’elle produit », témoigne Selma Huart, chargée de plaidoyer à Oxfam, citée par RFI.

« Pour chaque véhicule, la RDC reçoit moins de 10 dollars de redevances. Une personne qui travaille dans les mines touche à peine 7 dollars par jour, ce qui signifie qu’il lui faudrait près de deux ans pour gagner ce que Tesla tire d’une seule voiture », poursuit encore le document.

Un appel pressant à changer de cap

Cette captation des profits s’accompagne de dommages environnementaux et humains considérables. Dans les régions minières comme Kolwezi, les communautés locales subissent la pollution des cours d’eau, la destruction des terres agricoles et des problèmes de santé liés à l’exposition aux métaux lourds.

Au-delà de l’exploitation des ressources, le rapport d’Oxfam pointe un autre scandale : la surconsommation des plus fortunés. D’après l’ONG, le 1% le plus riche de la population mondiale consomme une quantité d’énergie si démesurée qu’elle pourrait répondre sept fois aux besoins énergétiques fondamentaux de toutes les personnes actuellement privées d’électricité dans le monde.

Oxfam plaide ainsi pour une « transition énergétique décolonilisée», c’est-à-dire décentralisée, juste et bénéficiant réellement aux populations des pays du Sud. Concrètement, cela implique que les pays africains transforment leurs minerais sur place plutôt que de les exporter bruts, qu’ils développent leurs propres industries d’énergies renouvelables, et qu’ils bénéficient d’un transfert de technologies et de financements équitables de la part des pays riches.

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