Un tribunal helvétique a ouvert la voie à un éventuel procès contre le groupe cimentier, en jugeant recevable une plainte l’accusant d’avoir contribué au réchauffement planétaire par ses émissions massives de CO₂.
Un tribunal cantonal suisse a jugé recevable, lundi 22 décembre, la plainte déposée contre Holcim par un groupe d’habitants insulaires. Quatre résidents de Pulau Pari, une petite île indonésienne vulnérable située au large de Jakarta, reprochent depuis 2023 au cimentier de ne pas respecter ses obligations climatiques.
La plainte a été introduite après que leur île a subi de multiples inondations liées à la montée des eaux. Les plaignants estiment que le groupe helvétique du ciment ne réduit pas suffisamment ses émissions de dioxyde de carbone, contribuant ainsi à l’aggravation du phénomène qui menace leur territoire.
Selon les organisations environnementales soutenant cette action, environ 11 % des 42 hectares de l’île ont déjà été engloutis, et l’ensemble du territoire pourrait disparaître sous les eaux d’ici 2050.
Les habitants demandent chacun 3 600 francs suisses (environ 4 500 dollars) en compensation des dommages climatiques subis. Une somme modeste, mais à forte portée symbolique.
Des revendications précises et chiffrées
Elle représenterait en effet 0,042 % des coûts totaux estimés, soit la part imputée à Holcim dans les émissions industrielles mondiales de CO₂ depuis 1750.
Au-delà de cette indemnisation, les résidents réclament un appui financier pour la mise en œuvre de mesures de protection contre les inondations, dont la replantation de mangroves et la construction de brise-lames destinés à limiter l’érosion et les submersions marines.
Ils exigent en outre du groupe suisse une réduction de 43 % de ses émissions d’ici 2030, et de 69 % d’ici 2040, par rapport au niveau de 2019. Une demande d’autant plus importante que la production de ciment, dont Holcim est l’un des principaux acteurs mondiaux, représente environ 7 % des émissions planétaires de CO₂, selon l’Association mondiale du ciment et du béton.
Une victoire d’étape significative
S’il est encore trop tôt pour savoir si ces réclamations aboutiront à un procès, la décision du tribunal d’accepter la plainte constitue déjà une avancée notable.
Comme le souligne l’organisation humanitaire Aide des Églises suisses (HEKS/EPER), qui appuie l’action des habitants de Pari, il s’agit d’une première en Suisse dans le domaine des litiges climatiques visant une grande entreprise, même si cette décision pourrait être annulée en appel pour des raisons procédurales.
« Nous sommes très heureux. Cette décision nous donne la force de poursuivre notre combat », a déclaré Asmania, l’une des plaignantes, citée par Reuters. De son côté, Holcim réaffirme viser la neutralité carbone d’ici 2050 grâce à des objectifs fondés sur des données scientifiques.
L’entreprise, qui affirme avoir réduit de plus de 50 % ses émissions directes de CO₂ depuis 2015, conteste toutefois la légitimité de la procédure, estimant que les tribunaux ne sont pas le cadre approprié pour traiter le défi mondial du changement climatique.
