Un laboratoire normand expérimente la restauration par champignons de ces innombrables terrains industriels laissés à l’abandon.
Et si la solution à la problématique des friches industrielles se trouvait d’ores et déjà sous le sol ? La réponse devrait bientôt provenir du laboratoire CARMEN de l’université de Rouen.
Dans cette unité mixte de recherche spécialisée dans la chimie analytique et la réactivité moléculaire, se déroule depuis peu une expérience prometteuse : l’utilisation de champignons pour réhabiliter ces terrains contaminés par l’activité industrielle.
Le défi est de taille, particulièrement en France où plus de 10 000 de ces sites ont été recensés en 2022 d’après les chiffres du journal Le Parisien. Cela représente une surface de plus de 100 000 hectares.
Le Nord, la Charente et la Seine-Maritime sont les régions qui comptent le plus de friches, avec respectivement 1 487, 1 129 et 840 friches, selon la Banque des territoires, une direction de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Des polluants « éternels » face à des solutions imparfaites
Celle-ci ajoute que les polluants les plus fréquents sont les métaux lourds (plomb, cadmium, arsenic, etc.), les hydrocarbures (essence, fioul, etc.) et les solvants halogénés.
« Ce sont des polluants éternels et persistants. Ils ont des impacts toxiques sur les végétaux, les animaux et l’homme à travers la nourriture et la boisson. Ils sont cancérigènes, mutagènes, affectent la fertilité et sont neurotoxiques« , indique dans Le Parisien, Florence Koltalo, enseignante-chercheuse à l’Institut Universitaire de Technologie (IUT) d’Évreux, chargée des recherches.
En plus de contribuer à la dégradation de l’environnement, cette situation aggrave les inégalités sociales. En effet, les populations vivant à proximité de ces friches sont souvent caractérisées par des niveaux de revenu plus bas et des taux de chômage plus élevés, selon une évaluation de la revue scientifique ScienceDirect publiée l’année dernière sur le sujet.
Face à ces menaces, les méthodes traditionnelles de dépollution montrent leurs limites. « Dans 80% des cas, ce sont des traitements physiques et chimiques« , précise Koltalo. « On introduit de l’air ou de l’eau sous pression, mais cela ne fonctionne pas sur tous les polluants. On peut également injecter des acides, des savons, des solvants ou encore de l’air à 300°C, mais le sol devient alors stérile ».
Quand les champignons viennent à la rescousse
L’approche expérimentée par le laboratoire CARMEN s’inscrit dans le cadre plus large de « l’écotechnologie basée sur le vivant », d’après la chercheuse. Certaines espèces de champignons ont en effet la capacité remarquable de décomposer ou d’absorber des substances toxiques, transformant ainsi des composés dangereux en matières inoffensives.
La méthode peut être réalisée directement sur site, réduisant ainsi considérablement les coûts. Elle est également plus douce pour l’environnement. De quoi préserver la vie du sol contrairement aux traitements chimiques agressifs, souligne Florence Koltalo, toujours dans le quotidien francilien.
Selon elle, les premiers essais, menés sur une parcelle des anciennes Usines de Navarre à Évreux, ont donné des résultats encourageants en laboratoire. Reste à les confirmer sur le terrain.